• L'enseignement n'est pas de l'éducation!

    Pensez au pas...



      "Vous avez une vision bien négative du monde dans lequel vous évoluez. Faites confiance à vos congénères! Basez-vous sur des faits réels plus que sur vos idées personnelles."
      Voilà le commentaire que je viens de découvrir dans un de mes devoirs d'espagnol, à côté de ma jolie note. Le sujet était "la nouvelle famille espagnole". Vaste ouverture et énormes possibilités de débat me direz-vous, surtout quand on possède une grande gueule et un avis sur tout ce qui existe, et même ce qui n'existe pas forcément en ce bas-monde, un peu comme moi. Et bien non! Si j'en crois le commentaire laissé par ma prof, il faut faire la distinction entre mes "idées personnelles" et des "faits réels". Je suis tenté de lui dire dans un premier temps que mes idées personnelles, je les base sur des faits réels. Dans un second temps, à ma "vision négative du monde", j'aurais aimé lui dire que je suis insensible à la flatterie (même si ce n'est qu'à moitié vrai!) et que je pense avoir davantage réfléchi à la question qu'elle. Quant à mes congénères, je m'excuse auprès d'eux de ne pas bercer dans l'optimisme le plus niais qui soit, de garder quelques brins de méfiance et de ne pas faire confiance à tout le monde. Je m'excuse de ne pas être un de ces esprits béats qui voue un culte total à l'empire spirituel des bisounours et d'écouter parfois mon instinct - je m'excuse d'ailleurs d'en avoir un. En bon empiriste, j'ai simplement appris à distinguer ceux sur qui je peux compter, ceux que je ne connais pas mais que je pourrais connaître, ceux que je ne connais pas et dont je me fiche, et ceux que je ne veux pas ou plus entendre parler pour leur éviter d'être pitoyables (et ils sont beaucoup!). Mais alors me demanderez-vous: "où est-ce que je veux en venir?" Et bien je trouve malgré tout ce commentaire suffisamment intéressant pour mériter une place ici. Il permet de voir à quel point l'enseignement s'est perdu dans une autre notion: le formatage, puisque comme vous pouvez le voir, opinion personnelle est synonyme d'opinion erronée. Expliquons!

      Quel est le but d'un cours d'espagnol? Apprendre à parler espagnol. Réponse logique! Comment? Vocabulaire, grammaire, expression écrite et orale, etc... Jusqu'ici, pas de problème. Et par un soudain regain de pédagogie, on peut même éveiller le débat par l'étude de sujet d'actualité, de texte polémique, etc... Je suis sûr que certains profs l'apprennent! Là où ça se corse, c'est quand lesdits ou lesdites professeur(e)s vont s'improviser philosophes, et qu'ils vont commencer à juger l'opinion plus que l'expression (quasiment sans fautes, ou des fautes seulement sans réelle importance). Car que signifie le commentaire dans sa globalité si ce n'est un jugement de valeur ("négatif"), allié  à une recommandation morale ("faites confiance..."), digne d'un JT de 13h présenté par ce terroirophile de Jean-Pierre Pernault, et dont je pourrais aisément me passer? 
      Aujourd'hui, le message est simple, il faut écouter le professeur car il a toujours raison. Nazis et fascistes, stupides et incultes, autoritaires et anti-pédagogiques, démoralisants et sadiques, peu importe! Sa proéminente matière grise lui octroie le droit de parler sans fin et de façon monotone. La plupart des pauvres étudiants, qui adorent aujourd'hui se faire materner, écoutent leurs gentils professeurs et baissent les yeux devant leurs airs faussement érudits. Mais d'où vient cette immense volonté de se taire? Crions-le haut et fort: l'amalgame entre enseignement et éducation!

      Sauf erreur de ma part, l'enseignement n'est-il pas destiné à faire apprendre aux élèves? A leur donner le goût de se cultiver? A promouvoir la culture? A organiser des sorties pour les plus jeunes et/ ou les plus démunis afin de ne pas les laisser cloitrés entre leurs murs? N'est-ce pas à l'école que l'on se forge une opinion? N'est-ce pas à l'école qu'on nourrit une passion? L'école n'est-elle pas le lieu où on apprend la sociabilité? Si bien sûr! Et c'est justement pour ça qu'elle fait l'objet de tant d'attaques gouvernementales, et que les profs, vraiment révoltés pour certains, hypocrites pour d'autres, soumis pour le reste, ne sont que les relais d'une propagande qui ne vise qu'à bourrer le mot aux élèves afin de leur enlever toute opinion propre. Dans les lycées et collèges, où l'individu prend conscience de son individualité, l'intérêt est l'unicité de la pensée, le moulage en chaine et en règle de l'être visant à s'épanouir dans une société encadrée, afin qu'il ne puisse pas, par manque de moyens intellectuels et d'arguments, la remettre en cause. L'embrigadement se fait de plus en plus tôt. Pour l'université, le modelage prend une forme différente, mais l'enjeu reste le même. Si les étudiants manifestaient, ce n'était pas pour réclamer une augmentation de salaire, une diminution du temps de travail (quoique!), ou plus de frites dans les assiettes, mais pour se battre contre un sens unique de l'avenir. Les voies qui sont proposées après les études deviennent de plus en plus restreintes, et certaines disciplines sont menacées d'optionnalité. Adieu les lettres et les sciences humaines! Pas assez rentables et trop inutiles! On vous gardera seulement si vous vous reconvertissez en BTS léchage de culs! Quant à tous ceux qui auront eu la mauvaise idée de prendre cette voie poussiéreuse, ma foi, quelques S.D.F. de plus ne se verront pas! Ainsi me vient les élégantes propositions à moi, pauvre étudiant en Histoire, de me diriger vers le professorat, vers les métiers de l'administration, ou de changer de voie. Et sinon? Non parce qu'en toute franchise, finir bourgeoise endimanchée derrière un bureau à compter des papiers ou à sucer les boules d'un patron véreux ne me dit pas grand-chose! Et encore moins finir assimilé par l'Education Nationale, à crainde de pauvres inspecteurs tarés qui se permettent de me faire la morale sur la manière d'enseigner, alors qu'eux-mêmes ont le profil et la mentalité du parfait nazi, et n'hésiteraient pas à réutiliser la règle de fer pour faire rentrer leur programme d'avant-guerre dans la tête des pauvres gosses qui n'ont rien demandé. 
      Mais allons aussi constater du côté des professeurs qu'ils ne sont pas aussi innocents qu'ils veulent bien le faire croire, du moins pas tous. Désolé de revenir sur mon commentaire, mais il me fait bouillir le sang. Comment, en tant que prof, et donc en tant qu'ancienne étudiante, qui a peut-être connu les aléas révoltants que la jeunesse peut connaître maintenant, peut se permettre de juger et de noter une opinion. Son sujet étant sur la famille, je n'en ai pas dit que du bien! Qu'elle ne soit pas d'accord, admettons! Mais de là qu'elle vienne nous bassiner avec sa philosophie du dimanche en l'exposant comme Vérité par son 11/20, là je crie au foutage de gueule! Si sa remarque avait porté sur mon expression, mon article aurait démarré autrement. Mais ici que nenni, nulle justification ne vient entacher son si précieux conseil. Car un professeur aujourd'hui, c'est ça! Un bougre qui croit que l'expérience de sa vie peut être transposée aujourd'hui, et que ses solutions à lui/elle d'il y a vingt ans peuvent encore marcher là. La compréhension de ses élèves? La solidarité? Le dialogue? La débat? Tout ça est contre-productif. L'étudiant est considéré comme une tête vide qu'il faut combler, et on apprend aux jeunes profs à ne pas s'attacher, ni accorder trop d'importance à un élève. En ça, les profs ne font que relayer le système pourri des quelques gérontocrates qui nous servent de hiérarques. Ils sont juste là pour débiter leurs cours, peu importe la manière, et justifier leur salaire. On leur ordonne de faire de l'école une institution étatique où la répression d'idées nouvelles s'exercent bien plus sûrement que le développement d'un rationnalisme jugé immoral et antiétatique. Des flics plus que des savants. On ne nous apprend pas à penser ni à réfléchir. On nous apprend seulement à travailler et à laisser les plus "aptes" à décider pour nous. 

      Il ne faut pas avoir peur de dire ce qu'on pense. Il ne faut pas avoir peur d'être franc. Il ne faut pas avoir peur des conséquences de ses paroles et de ses actes pourvu qu'ils soient réfléchis et qu'ils vous apportent un quelconque sentiment de satisfaction. Et surtout, il ne faut pas avoir peur d'aller à l'encontre de l'avis des objecteurs et des détenteurs de conscience. Lisez autre chose que ce qu'on vous dit de lire. Pas seulement Marx ou Engels, mais Bakounine, Louise Michel, Max Stirner, Pierre-Joseph Proudhon, Michel Foucault, Gilles Deleuze, ou Michel Onfray. Instruisez-vous! Cultivez-vous! Sortez de ces littéraires sentiers battus que l'on vous recommande! Et ne négligez jamais l'autodidactisme! Sans quoi, la culture ne sera plus qu'une ruine, tout juste bonne à vous éponger le cerveau et à se faire recycler au besoin, enseignée dans un gymnase délabré où des centaines de brebis écervelées viendront éprouver les regards de bergers pas forcément plus intelligents qu'elles.

    Florent.


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  • Commentaires

    1
    Amphi des clébards Profil de Amphi des clébards
    Jeudi 25 Mars 2010 à 13:17
    Sans conteste ton meilleur article... Qui résume en fait la raison même de l'existence de ce blog.
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